vendredi 17 janvier 2014

C'est parce que la situation est désespérée que tout est maintenant possible. John Cage




En fin d’année 2013, le communiqué de la SFSP (société française de santé publique) a été on ne peut plus pessimiste : “Les crédits du ministère de la santé consacrés à la prévention sont en baisse de plus de 14% dans le projet de budget pour 2014. Ils passent ainsi de 140 à 120 millions d’euros, à comparer aux plus de 250 milliards d’euros consacrés aux soins…
Et cela, alors même que la Stratégie nationale de santé que le gouvernement vient d’adopter affirme solennellement « Faire le choix de la prévention et agir tôt et fortement sur tout ce qui a une influence sur notre santé » !”

L’instance régionale de santé Languedoc-Roussillon a donc du fermer ses portes, et les ARS se verront amputées d’une partie de leur budget.

De son côté, l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) était en 2011 le deuxième acheteur public d’espaces derrière… la Française des jeux avec une enveloppe d’environ 60 millions en incluant site internet, service téléphonique et brochures. Son budget a été réduit de 20% dans les trois dernières années. 

Pourtant elle publie d’excellents ouvrages et anime des journées de prévention de qualité qui suscitent réflexion et action, faut-il encore pouvoir dégager du temps dans son activité professionnelle pour s’y plonger. J’en donnerai un exemple dans le domaine du diabète insulino-requérant qui montre le changement de regard qui est en train de se produire chez les médecins en s'appuyant sur une approche existentielle et humaniste vis-à-vis de l’incertitude et du stress dans lesquels se trouvent les porteurs d’une pompe à insuline (c’est comme faire de la dentelle avec des gants de boxe). Présentation du diabétologue Marc EGLI


Si les vertueuses décisions politiques ne sont donc pas suivi d’effet pour des raisons budgétaires, comment dans ces conditions, pouvons-nous tendre vers une meilleure santé ?

Les lunettes de la grande santé peuvent-elles nous aider à voir les choses autrement, comme le suggère le philosophe et musicien John Cage quand il dit que « la situation étant désespérée, tout est maintenant possible. »  En d’autres mots, à quel changement de regard sur la situation et à quelles autres façons de faire sommes-nous conviés ?

Nous manquons de médecins… efforçons-nous d’être dans la meilleure santé possible. Nous consommons des soins, regardons-en les effets indésirables sur la grande santé. Les services sont divisés… relions-les, les compétences sont disséminées… rapprochons-les. On parle trop de la maladie qui est le domaine des médecins… parlons plus de la santé qui appartient à tous, médecins compris. On parle trop du patient, parlons du Sujet existant et vivant une expérience de santé, et tournons les regards vers ceux qui cherchent dans cette direction.

En proposant ces ateliers et journées de la grande santé, nous sommes tout à fait en phase, non seulement avec les difficultés politico-économiques mais aussi avec les préoccupations des acteurs territoriaux si j’en crois le thème de la 7ème édition des rencontres territoriales de la santé publique qui se déroulera en septembre 2014 à Nancy : Construire des dynamiques territoriales favorables à la santé. Quels acteurs ? Quelles actions ? Quelles articulations ? Quelles évaluations ?

Pour cela, il nous faut puiser dans de nouvelles ressources, autres que celles du gaz de schiste et de toutes ses conséquences néfastes sur notre santé et sur celle de notre environnement. D’abord, dans celles de ceux qui nous ont précédé et que nous avons délaissé sans raison valable, puis celles de l’intelligence collective, car nous ne pouvons continuer de faire sans chercher à comprendre ce que l’on fait et pourquoi on le fait, comme le rappelle le réseau Intelligence de la complexité dans son dernier éditorial, lequel nous invite à travailler à bien penser.

Ceci devrait nous donner un fort sentiment de cohérence dans la morosité ambiante puisque nous nous plaçons véritablement au cœur du débat. Pourquoi nous soignons-nous ou prenons ou pas soin de nous, pourquoi tombons-nous malades, qu’est-ce qui génère de la santé, pourquoi sommes-nous ce que nous sommes, pourquoi la violence de la maladie, de la vie, de ses ruses dans les soins, etc… ? 

L’avantage de la grande santé, c’est que toute difficulté est source de croissance, si nous n’en mourrons pas évidemment.

Alors mettons-nous tous ensemble au travail !